elskling a écrit : ↑29 mars 2020, 11:54
Pour revenir au sujet de la collectionnite:
toutes les raisons et explications que tu évoques sont valables, souvent en même temps mais à des degrés divers et selon ton degré "d'ancienneté" dans cette passion.
J'ai commencé il y a à peu près 10 ans à fréquenter le forum, un véritable portail pour être projeté dans la folie des achats compulsifs (rares sont ceux qui entrent ici et échappent à la hausse inévitable de leur budget spiritueux). Ajoutons à cela la fréquentation des blogs fréquemment cités ici, dont les notes et commentaires de dégustation ont longtemps poussé le novice assoiffé que j'étais à acquérir telle ou telle bouteille - et il y en a eu des belles bouteilles à l'époque, plein d'IB, les meilleurs MoS, TWA et autres, une époque où les indépendants pouvaient encore trouver des merveilles en quantité. La plupart des membres ici se fiaient également beaucoup aux conseils de Serge (qui faisait lui-même partie du forum), et achetaient selon les humeurs de son blog (on l'a tous fait, sur une belle note, d'acheter sans avoir goûté). Les collections de certains pouvaient se traduire comme des collections de bouteilles "90 et plus".
Donc j'ai acheté au début avec une certaine compulsion d'apprentissage: je voulais tout acheter car je voulais tout goûter, tout apprendre. Et pourtant, rapidement déjà je ne pouvais pas tout ouvrir à mesure que j'achetais. Les bouteilles ont commencé à s'accumuler, mais ça m'allait: j'achetais des bouteilles que j'ouvrirais un jour, et je constituais ainsi une collection de belles bouteilles qui, contrairement au vin, ne risquaient (a priori) pas de s'abîmer avec le temps. Cette frénésie s'est d'ailleurs également manifestée sur les samples - j'en ai plusieurs centaines, et là c'est dangereux, car les samples s'abîment plus facilement en revanche!
J'ai acheté de plus en plus souvent ce que j'avais pu goûter et aimer - moins souvent à l'aveugle. Le Live, les quelques soirées LMDW, les fameuses soirées Pure Spirit de Piazzola, les dégustations WhiskyRareCollectors, etc. Et évidemment les soirées entre potes, qui se sont démultipliées. J'ai cru un moment qu'il fallait "acheter maintenant" parce que je me disais que ça ne pouvait pas durer, que l'offre de bonnes bouteilles allait finir par se tarir. Il s'avère qu'il sort entre temps de plus en plus de bouteilles, et qu'il y a toujours plein d'embouteilleurs qui sortent des belles choses (coucou Le Gust'). Profusion. Et embarras du choix.
Pendant ces années se sont donc mêlées plusieurs attitudes: envie d'apprendre donc, de découvrir, d'explorer, en se basant soit sur ses propres dégustations, soit sur les conseils des autres (les potes, les blogs, etc.). Mais avec l'inflation galopante des tarifs, j'ai souvent cédé sans m'en rendre forcément compte au FOMO - Fear Of Missing Out: phénomène très lié aux réseaux sociaux et donc aussi au forum, le FOMO c'est quand on se dit "je peux pas laisser passer cette bouteille, elle a l'air trop bien, c'est peut-être une tuerie, je peux pas attendre qu'un blog lui colle une super note sinon elle ne sera plus disponible au prix de sortie, etc." Ce réflexe terrible de se dire: je risque de passer à côté de quelque chose, et donc il faut que j'agisse maintenant (en l'occurrence "moi acheter bouteille"). Assez similaire à la tentation des soldes et ventes privées de LMDW et autres: à ce prix-là, c'est une affaire, -30% ou -40%, je peux pas passer à côté... Les commerciaux sont très forts pour alimenter ce comportement, à coups d'éditions ultra-limitées et de discours marketing bien rodés. Difficile pour les passionnés de garder la tête froide et de réfléchir avant d'acheter quand tout autour - nous autres forumeurs ne sommes pas en reste - s'agite autour du nouveau Chichibu, du dernier Penderyn ou du Springbank ultime (mention spéciale à Ben Nevis, qui nous fait si souvent perdre tous nos repères, si tentant... alors qu'il en sort des pelletées d'excellents et que la distillerie n'est pas fermée).
Au fil du temps, on apprend, on dépense (essayez donc de faire la somme de TOUT ce que vous avez dépensé en whisky depuis que vous avez commencé le whisky, vous allez avoir une surprise...), on accumule et on finit (parfois) par prendre du recul.
Une règle d'or me sert malgré tout de guide depuis le début: je n'achète QUE des bouteilles que j'ai l'intention de boire. Est-ce à dire que je les boirai toutes? Il est évident, maintenant, que non, bien sûr, ma collectionnite m'a poussé à un niveau où je ne pourrai pas tout boire (j'ai déjà plus d'une centaine de bouteilles ouvertes en permanence). Alors pourquoi continuer à acheter, à collectionner? Je pourrais vivre sur mon stock, j'ai le choix entre plein de merveilles. Et pourtant: ma passion du whisky évolue elle aussi - et c'est bien normal. Il y a du coup des bouteilles dans ma collection dont je sais que je ne les ouvrirai pas, s'il faut faire un choix - profils similaires, bouteilles en double etc. Alors j'en revends certaines, notamment ici sur le forum. Et ce que je continue à acheter désormais, après une décennie d'exploration, eh bien ce sont essentiellement des vieilleries, parfois de purs objets de collection (quelques bourbons de la prohibition par exemple, peu probable que j'en ouvre... quoique...), mais en général des bouteilles que je veux ouvrir (ce qui résulte par exemple en splits de légendes sur le forum - Clynelish Giaccone, Laphroaig Bonfanti, Glendro 72, etc.). Le corolaire, c'est que je travaille sur ma compulsion pour limiter les achats de nouveautés, résister aux tentations des nouveaux Ben Nevis, d'un petit Highland Park 10 ans ou d'un bel Irish. En revanche, j'ai encore beaucoup de boulot pour limiter mes achats sur les sites d'enchères...
Bref, pour répondre au sujet de ce topic, j'ai essayé de présenter certains aspects de ma collectionnite de whisky : ma femme dit souvent que j'ai une vraie tendance à accumuler les choses en général. Elle n'a peut-être pas tort.